récits


De la Machine Téléthon
novembre 10, 2006, 5:23
Filed under: politique, Récits, sciences

Un certain Pierre-Olivier Arduin, responsable de la formation éthique du diocèse de Fréjus-Toulon, mais également animateur d’un site de soutien au pape Benoît XVI (qui, manifestement, a besoin de soutien, contrairement à son prédécesseur, pour, qui la question ne se posait même pas), publie aujourd’hui sur le site internet du diocèse auquel il appartient une tribune intitulée « Il n’est plus possible de participer au téléthon« .

Il se trouve que j’ai milité fort modestement, et dans une solitude qui me semblait (à tort) complète, contre le Téléthon, il y a une dizaine d’années de cela. La tribune de P.O. Arduin m’a donc titillé quelque peu, et j’ai lu sa prose et un peu plus (notamment ce texte, « Euthanasie des enfants, la logique barbare continue » qui par exemple cite le cardinal Ratzinger – aujourd’hui pape, donc – évoquant le péril ultra nazi qui pèse sur les démocraties occidentales). Je suis on ne peut plus méfiant, à titre personnel, envers l’argumentation développée par Arduin contre le téléthon. J’y reviendrais toutefois pour en souligner l’intérêt dans le cadre de l’émergence d’un débat qui me semble nécessaire. Néanmoins, le texte qui suit se contente, sans entrer dans les détails, de poser quelques jalons d’une étude critique possible (par exemple en anthropologie sociale ou dans le cadre d’un exercice de sciences studies) de ce que j’appelerai la machine Téléthon, qui m’intéresse en tant qu’exemple d’entité hybride, à la fois émotionnelle, économique, politique, morale et scientifique. Un travail d’étude détaillé resterait donc à faire, mais je n’ai ni les moyens ni le temps ni les compétences pour le mener. Si ces propos peuvent contribuer à susciter de tels travaux, j’aurais atteint mon objectif.

Le jour du Téléthon est devenue en 20 ans une journée sans doute aussi sacrée que je jour de Noël dans le paysage moral français. Du point de vue politique, nous avons affaire à une véritable institution, mais une institution hybride, qui engage à la fois les pouvoirs publics, des communautés scientifiques, des associations de malades, des chaînes de télévision et une mutltitude de médias, des millions de généreux donateurs, etc. Institution étrange : d’un côté, tout à fait administrée et contrôlée – afin de garantir la destination des sommes d’argent qui circulent – et, d’un autre côté, qui fait appel à l’émotion de chacun des donateurs – émotion suscitée et orchestrée par les chaînes de télévision notamment.

Le déploiement politique et moral du Téléthon s’est produit jusqu’à présent sans engendrer de polémiques publiques majeures – si conflits il y eût, par exemple au sujet de la destination des sommes recueillies, ou de la concurrence médiatique relative à l’orchestration de l’événement, ils ont été résolus par la négociation entre les parties concernées, sans faire l’objet d’une polémique susceptible d’infléchir de manière notable la conscience morale des donateurs. Tout se passe comme si l’existence d’une institution hybride comme le Téléthon semblait évidente, naturelle, et pour tout dire moralement indiscutable.

Pourquoi est-elle indiscutable ? Parce qu’elle émane de la rencontre entre la capacité émotive d’un donateur et de la souffrance d’un enfant malade. Toutes les ambiguïtés, les complexités, qu’un esprit critique pourrait souligner, voire dénoncer, dans la constitution d’une institution comme le Téléthon devraient tomber d’elles-mêmes devant l’évidence de cette rencontre. C’est le propre même de toute institution caritative.

Or, c’est précisément ce qui, de mon point de vue, ne va pas de soi : car le registre de l’émotion et de la souffrance, même s’il est un des moteurs du Téléthon – et c’est loin d’être le seul – n’est que la partie emergée (médiatiquement parlant) d’un iceberg : sous la surface des affects travaillent en réalité une pluralité d’organisations dont la description ne saurait être menée sur le registre de l’émotion et de la souffrance. A un bout de la chaîne nous avons l’émotion ressentie par le donateur, mais, à l’autre bout, il n’est pas du tout certain que nous ayons l’enfant souffrant : ce qui est certain, par contre, c’est que nous avons une communauté scientifique qui recherche : mais qui recherche quoi? Et dans quel but ? On laisse entendre au donateur qu’au bout de la chaîne, il y aurait un traitement possible de la souffrance des enfants malades. C’est une vérité indubitable. Mais partielle.

1° Le fonctionnement de la machine Téléthon repose en partie sur une alliance de dupes

L’argument que nous souhaitons lancer ici, c’est que l’existence et le déploiement du Téléthon repose en effet sur une ambiguïté savamment entretenue entre science et thérapie. Cette ambiguïté constitue le ressort qui relie de manière dynamique les différentes entités dont nous avons parlé : les capacités émotives des donateurs, les associations de malades, les chaînes de télévision et les autres médias, les institutions en charge de la santé publique et les administrations de régulation et de contrôle, l’association (AFM) qui fait le lien entre les sommes collectées et les laboratoires, les laboratoires scientifiques, les unités de recherche, etc.

La conclusion du dernier rapport de l’association Française contre les Myopathies est d’ailleurs très claire à ce sujet. Tirant le bilan de 20 années de « lutte », et dressant les perspectives d’avenir, une brochure colorée, présentant la photographie d’une gelule pharmaceutique en gros plan, nous informe : « Transformer la recherche en traitement, c’est l’ultime défi que lance l’AFM« . Autrement dit, nous n’en sommes pas encore au stade de la thérapie génique (tout au plus commence-t-on à expérimenter sur l’homme), mais largement occupé à la recherche fondamentale en génétique. Et on doit noter que la réalisation concrète des premiers traitements pour les maladies neuromusculaires n’est à l’heure qu’il est en rien prédictible. Combien de temps faudra-t-il avant d’obtenir cette prometteuse gelule qui illustre la couverture de la brochure ? Dix ans ? Vingt ans ? Si les premiers donateurs français,en 1987, avaient su que, 20 ans plus tard, on en serait encore au stade de la recherche fondamentale, et si éloigné de la fabrication d’un traitement, auraient-ils donné de manière aussi spontannée ? Et qu’en pensent aujourd’hui les patients qui défilaient sur les plateaux de télévision il y a deux décennies ? Et les associations de malades ?

Qu’on me comprenne bien : je ne cherche absolument pas à remettre en question le travail des laboratoires de recherche en génétique, pas plus que les activités de l’AFM (qui vont d’ailleurs bien au-delà du financement de la recherche, mais s’appliquent aussi à l’accompagnement social des malades et de leur famille). Je dis seulement que la fonctionnement de cette machine complexe qu’est le téléthon repose dans une large mesure sur une ambiguïté concernant la relation entre la science fondamentale et ses applications effectives (par exemple en pharmacologie). Ces vingt dernières années, la machine Téléthon a financé la recherche fondamentale en génétique, tandis que la génétique appliquée aux maladies neuromusculaires (l’objet privilégié qui justifie la construction et l’entretien de la machine Téléthon) n’en est encore qu’à ses balbutiements. Autrement dit, l’alliance entre la « générosité publique » (l’ « émotion publique ») et la science réelle, est sous bien des aspects une alliance de dupes (et c’est bien évidemment l’émotion qui est dupée, car les scientifiques savent bien la complexité des processi susceptibles d’aboutir à la fabrication d’un médicament ou d’un traitement).

2° De la recherche fondamentale à l’application thérapeuthique, il y a « des mondes »

Nous devrions être aujourd’hui mieux informés de la manière dont fonctionnent les mondes scientifiques. Depuis Thomas S. Kühn et sa théorie des pradigmes scientifiques, un nombre considérable de chercheurs, anthropologues, ethnologues, philosophes, historiens, et j’en passe, ont investi les laboratoires, les unités de recherche, les mondes d’où emergent les savoirs et pratiques scientifiques, en faisant apparaître les relations complexes dont ils dépendent, liés qu’ils sont aux pouvoirs politiques, aux pressions sociales, aux intérêts économiques, aux idéologies et aux préoccupations morales. Les sciences studies, qui elles-mêmes sont des sciences hybrides, ont montré que le l’idéal d’une recherche scientifique pure, détachée de toute détermination sociale, n’est qu’un mythe (lequel précisément nourrit le scientisme et ses déclinaisons politiques). La machine Téléthon présente un exemple éclatant de cette imbrication de la recherche et des déterminations sociales et politiques. Mais elle fonctionne précisément et paradoxalement en adoptant un autre mythe : celui d’une recherche fondamentale dont l’objet serait entièrement motivé par une application donnée.

Comme si les efforts des chercheurs en génétique devaient aboutir à une application unique, les énergies mises en oeuvre s’épuisant complètement dans un objet à venir : une gelule par exemple, ou un traitement possible d’une maladie neuromusculaire donnée. L’idéal étant qu’il n’y ait aucun reste. Or, l’état de la science génétique ne permet pas de garantir que le savoir acquis dans le cadre des laboratoires financés par l’AFM ne puisse pas soutenir d’autres recherches, et donc d’autres champs d’application que le strict cadre des maladies neuromusculaires. Un tel idéal serait d’ailleurs stupide : les recherches financées par l’AFM profitent elles-mêmes d’un échange de savoir avec les autres laboratoires de recherche en génétique, les résulats des experimentations ne peuvent prendre sens que dans le cadre de comités scientifiques, de communautés de chercheurs, qui évaluent leut pertinence et établissent leur scientificité. Un laboratoire qui fonctionnerait de manière parfaitement autarcique constituerait pour un domaine aussi complexe que la génétique, une aberration.

Or, les applications possibles, espérées ou déjà en voie de réalisation, des théories génétiques ne se réduisent évidemment pas au champ des maladies neuromusculaires. C’est d’ailleurs dans une certaine mesure parce que ces maladies sont rares (voire : « orphelines », et le signifiant mériterait une étude à lui seul) que la machine Téléthon existe. Il s’agit bien de faire appel à la générosité publique pour compenser le défaut d’intérêt, donc d’investissement, des laboratoires de recherches privés et de l’industrie pharmaceutique. Mais le territoire des applications génétiques possibles ne se laissent pas découper comme celui des investissements et des intérêts des institutions. La délimitation entre l’investissement et l’intérêt des laboratoires privés et l’investissement et l’intérêt des institutions caritatives n’est pas « scientifique » : du moins elle ne recoupe pas une division « naturelle » de la recherche fondamentale en génétique. Prenons un exemple plus parlant : on ne peut pas dire que les recherches fondamentales sur la radioactivité menées par Pierre et Marie Curie n’aient profité qu’aux patients atteints du cancer (par l’invention de la radiothérapie) : les victimes d’Hiroshima et ceux de Tchernobyl en ont aussi « bénéficié », comme tous les clients des réseaux d’électricité alimentés par les centrales nucléaires aujourd’hui. Il ne saurait être question ici de juger la pauvre Marie Curie, morte de leucémie précisément à cause de ses travaux, et dont la probité n’a jamais été mise en question. Il faut simplement rappeler que les effets des dévouvertes scientifiques (non seulement les applications possibles, mais aussi les effets sociaux, politiques, moraux) ne recoupent pas toujours (et certains diront : « jamais ») les espérances initiales des chercheurs. Ils les débordent forcément.
C’est évident dans le cadre de la génétique. Les amateurs de science-fiction le savent depuis longtemps : l’usage du savoir génétique augure aussi bien du meilleur que du pire. Il faudrait être bien naïf pour voir dans la génétique une théorie vouée entièrement à la recherche de l’amélioration de la vie de tous les hommes. Le film Gattaca d’Andrew Nichols (qui en quelques années est passé du statut de film de science-fiction à celui d’anticipation) montre bien comment la maîtrise des gênes pourrait être utilisée comme un outil de discrimination sociale (établissant un système de castes). Et quand bien même tous les chercheurs en génétique étaient motivés par l’amélioration de l’existence humaine, qui nous garantit que les critères qui nous permettent d’évaluer une telle « amélioration » sont fiables ? La situation de crise environnementale que nous connaissons actuellement n’est-elle pas un effet direct d’une amélioration radicale de certains aspects de la vie humaine (notamment en occident) ?

Bref. Il nous faut admettre que nous ne savons pas ce que l’avenir nous réserve. C’est une banalité. Mais si nous prenons au sérieux cette banalité, et si nous prenons au sérieux le fonctionnement des mondes de la recherche fondamentale (mondes en grande partie mythiques), et surtout ce que cette recherche ne sait pas encore, et ce que nous ne savons pas encore, alors nous devons nous méfier de la machine Téléthon : c’est-à-dire, introduire des perturbations dans ces circuits, des questions et des soupçons, faire un travail critique.

3° D’une entité morale qui vient hanter la machine : l’embryon

Je voudrais pour finir en revenir à Pierre-Olivier Arduin, dont la prose a suscité la mienne si je puis dire. Pierre-Olivier Arduin vient créer une perturbation dans la machine ronronnante du Téléthon. Et c’est en cela qu’il m’intéresse. Cette perturbation, cet objet qu’il balance dans les rouages, et dont le but est de ralentir voire d’arrêter le fonctionnement de l’ensemble, est un objet tout à fait spécial. Toutes les personnes qui s’intéressent aux débats dits de bio-éthique en sont les familiers (bien qu’au fond il soit justement impossible de le connaître) : c’est l’embryon.

Or, qu’est-ce qu’un embryon dans le cadre de notre examen de la machine Téléthon ? Hé bien ! c’est une entité en suspens. En suspens, parce qu’elle peut être potentiellement différentes choses : par exemple, un enfant aspirant à naître, à devenir sujet, donc susceptible d’être l’objet d’un Diagnostic Pré-Natal (DPN) ou pré-Implantatoire (DPI). Ou bien encore, un fournisseur de cellules souches, donc un objet utilisable dans le cadre d’une experimentation.

L’argumentaire de Arduin, qui se réfère à ses propres autorités (l’Académie pontificale pour la Vie, associée à la Fondation Jérôme Lejeune et à la Fédération internationale des médecins catholiques, et de manière générale, les collectifs opposés au droit à l’avortement), pointe justement un effet tout de même assez pervers des recherches engendrées par la machine Téléthon : si on ne peut pas encore guérir les malades atteints de troubles génétiques neuromusculaires, on peut au moins les empêcher de naître. Evidemment, cet argumentaire s’appuie sur une théorie qui considère que l’embryon est déjà une personne ou un sujet, et que donc à ce titre il a des droits. Je ne juge pas cette position ici. Quelle que soit mon opinion sur ce point, Arduin et les collectifs auxquels il se réfère sont dans leur rôle, et en tant que collectif, ils ont droit à faire des propositions, pas moins que les scientifiques, l’AFM ou les associations de malades. Et nous aurions intérêt à les prendre en compte.

Si la Machine Téléthon ne prend pas en compte ces arguments jusqu’à présent, c’est d’abord parce qu’ils constituent un risque grave pour son bon fonctionnement. La réponse des responsables de l’AFM à Arduin est un bon exemple de ce qu’on observe souvent dans les dialogues entre scientifiques et société civile, c’est-à-dire : un dialogue de sourds. Quand Arduin écrit : « Mais le point essentiel est bien que le droit fondamental et primordial à la vie de l’enfant embryonnaire dès sa conception est intangible ainsi que l’a rappelé Benoît XVI aux congressistes. Or, dans le cas d’un principe qui n’admet ni dérogation, ni exception, ni compromis, les chrétiens doivent comprendre qu’est en jeu l’essence de l’ordre moral de la société et que leur engagement n’en devient que plus évident. Ils ne peuvent coopérer au mal mais doivent précisément s’y opposer. » L’AFM répond : « L’AFM soutient ainsi toutes les pistes thérapeutiques susceptibles d’offrir aux malades une solution dans les années à venir, qu’il s’agisse de la pharmacologie, la thérapie génique, la thérapie cellulaire ou les cellules souches. La part restante des fonds est consacrée à l’aide aux malades. Le combat de l’AFM est donc bien un combat pour la vie. » Arduin est du côté du Bien, l’AFM du côté de la Vie.
Je me souviens d’un temps où le statut de l’embryon faisaient l’objet de controverses passionnantes, largement relayées par les médias, les enseignants, bien au-delà de la seule sphère du comité nationale d’éthique ou des congrégations religieuses. L’embryon était alors un objet politique. La génétique soulevait aussi des questions éthiques ou morales, et des préoccupations politiques, traduites dans la loi, soulevant des débats éreintants, mais précieux du point de vue démocratique.

Le ronronnement de la machine Téléthon me semble être caractéristique d’une époque et d’un pays (la France, notamment) qui a abandonné la génétique aux mains des scientifiques : elle n’est plus l’objet d’un débat publique, politique et moral. Tout se passe comme si la génétique pouvait enfin exister paisiblement dans les laboratoires, en attendant qu’elle produise ses effets dans la vie future des citoyens. Quels seront ces effets ? On peut en prévoir sans doute certains à court terme, mais il est impossible de décrire dès aujourd’hui ceux qui surgiront à long terme. C’est pourquoi d’une certaine manière, et même si je ne me sens aucune affinité avec l’atmopshère politique dans laquelle elles baignent, les critiques de Pierre-Olivier Arduin méritent d’être prises au sérieux : au moins en ce sens qu’elles contribuent à réinventer un débat possible, à réintroduire la génétique dans le champ politique (avant qu’elle ne s’y effectue à notre insu).

PS : Quelques semaines plus tard, l’archevêque de Paris a annoncé son souhait d’un débat sur le Téléthon. Ce à quoi Laurence Tiennot-Herment présidente de l’AFM «choquée et outrée» a souligné, sur France-Info mardi, «que ce débat n’était absolument pas d’actualité». Je pense que refuser un débat est toujours une erreur. D’autre part je voudrais vous signaler le point de vue beaucoup plus nuancé sur la génétique qu’adopte le grand généticien Arnold Munich. Ne ratez pas l’émission que France Culture a consacré cette semaine à ses travaux et ses réflexions. L’homme est lumineux, humble et parle sans langue de bois des questions bioéthiques. Si enfin vous souhaitez avoir une vision « historique » récente de la génétique, comment l’enthousiasme a laissé place à un questionnement sur les méthodes, vous pouvez lire cet article de Michel Maziade et aliq. « Génétique de la schizophrénie et des troubles bipolaires« , publié en oct. 2003 dans Médecines/SCiences. Je reviendrais sur ce texte dans un article détaillé (qui me semble problématique sous bien des aspects).


4 commentaires so far
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completement d’accord, c’est important… pour qui veut bien poursuivre la reflexion, de realiser que l’objectif placarde cette journee la est loin d’etre celui qui habite les tetes de chercheurs a qui profitent les fonds recueillis,
je trouve moi aussi que bercer les illusions du donateur n’est pas la plus louable des actions pour arriver a ses fins.
cela dit, je pense que la journee telethon a bien moins la vocation d’informer sur les conditions dans lesquelles se font la recherche en genetique dans les labos que celle d’etre pour les associations le meilleur moyen de recolter des dons aupres du plus grand nombre de personnes, un point c’est tout.
ca n’est pas qu’il y faudrait bien plus de temps qu’une journee, mais tout debat reflechi et critique a des exigences contraires au discours qu’on delivre ce jour-la ou il est clair que convaincre a la priorite devant faire comprendre.
pour reussir a faire comprendre ce dont il s’agit, au-dela des images d’enfants et adultes atteints de maladies genetiques, il faut un effort qu’on exige jamais aux programmations sur les chaines publiques, surtout pas en soiree quand les gens cherchent a etre divertis.
a vrai dire, meme si on a vu maints documentaires a tonalite scientifique etre tres convaincants en 90 minutes sur une cause donnee, le financement de la recherche biomedicale se trouve etre une cause bien complexe (impliquant l’activite professionnelle d’un groupe de personnes, des besoins de toute une population, des choix scientifiques et ethiques etc), tout au contraire de la cause des ‘seuls’ malades, eux qui figurent bien sur au bout de la chaine, mais effectivement, n’y sont pas seuls (les ramifications de la recherche n’y vont pas toutes loin s’en faut).
en somme, bien sur, la decision de donation aurait plus de sens si elle faisait suite a une information eclairante sur l’activite reelle que les dons vont financer, mais la machine telethon n’est pas une machine inventee pour la cause, elle n’est qu’empruntee, un jour par an, et il semble bien que sa regle de fonctionnement soit que les spectateurs soient facilement gagnes a la cause defendue (on a envie de dire ‘vendue’). son role est alors de faciliter l’action de donation en rendant la cause d’actualite, en offrant simultanement a ca des moyens pratiques de payer facilement, et surtout, d’y ajouter l’occasion unique d’en faire une action de groupe ou le ‘progres accompli’ peut se suivre en temps reel (a se demander si le montant de la cagnotte n’absorbe pas toutes les attentions…).

Commentaire par zephir

Merci pour ces remarques. J’adhère tout à fait. Depuis la publication de cet article, le débat s’oriente assez grossièrement, et de manière prévisible entre deux camps : les pro-téléthon, qui seraient du côté du progrès et de la modernité, et les contre, menés par des associations anti-avortement ringardes et d’inspiration obscurantiste. Il me semble qu’une troisième voix (e) est possible , qu’un généticien comme Munich incarnerait bien, et la politique française en matière de bioéthique également : celle de la prudence et de la vigilance. De mon point de vue l’enthousiasme scientiste n’est pas moins horripilant que l’obscurantisme (religieux ou pas).

Commentaire par danahilliot

Bonjour Dana,

A ta demande, je reproduis ici ma réponse à ton article que j’avais posté sur dogmazic.net

————-

Personnellement, je trouve que s’il est regrettable que la présidente de l’AFM exprime son refus du débat, il est encore plus regrettable que certaines possibilités de débats ne soient même pas évoquées.

Par exemple :

– Est-il efficace ce financer la recherche médicale en France par le don et de la faire dépendre principalement du don ? Comment se fait-il que l’impôt ne suffise pas ?

La recherche (pas seulement médicale) en France se meurt et je m’étonne de constater que les scientifiques ne se saisissent pas de l’opportunité que constitue l’impact médiatique du Téléthon pour exprimer leur mécontentement face au désengagement de l’Etat vis à vis du secteur de la recherche.

Ce que je trouve positif dans l’actuelle forme du Téléthon c’est :

– Qu’il offre une tribune à des malades et des familles de malades pour s’exprimer. Peu de personnes ont idée du degré de souffrance psychologique enduré par les malades et leurs familles. A la souffrance induite par la maladie elle-même vient s’ajouter celle de l’indifférence sociale et du quasi tabou que constitue l’évocation du handicap en France. Pour des malades et des familles de malades qui seraient autrement réduits au silence, pouvoir parler, s’exprimer et bénéficier d’une forme de reconnaissance par la société est extrêmement important.
Le Téléthon y contribue et je trouve ça très louable.

– Qu’il permet à des chercheurs de s’exprimer eux-mêmes sur l’état d’avancée de leurs recherches tout en contribuant à vulgariser au moins un peu la teneur des recherches en question.

– Qu’il contribue à palier une déficience grave de la part de l’Etat.

Dana, si je rejoins complètement ton avis en ce qui concerne les pseudo-articles du journal Libération que tu as soumis à notre attention, il y a certains points de ton article que je trouve contestables ou qui suscitent mon interrogation.

Par exemple :

« A un bout de la chaîne nous avons l’émotion ressentie par le donateur, mais, à l’autre bout, il n’est pas du tout certain que nous ayons l’enfant souffrant : ce qui est certain, par contre, c’est que nous avons une communauté scientifique qui recherche : mais qui recherche quoi? Et dans quel but ? On laisse entendre au donateur qu’au bout de la chaîne, il y aurait un traitement possible de la souffrance des enfants malades. C’est une vérité indubitable. Mais partielle. »

Donc, si je suis ton raisonnement, au lieu d’avoir l’enfant souffrant au bout de la chaîne (du don) nous avons un traitement d’une partie de sa souffrance.
Cela n’est-il pas un peu réducteur ? Je veux dire par là que l’objectif affiché (et semble-t-il atteint dans un certain nombre de cas) n’est pas uniquement un traitement de la souffrance mais bel et bien des causes de la souffrance (le gène déficient, l’enzyme ou la protéine responsable du mal, le regard des autres, la lourdeur éventuelle du traitement…).

Là où je diverge complètement de ton approche, c’est dans le paragraphe que tu consacres à une « alliance de dupes » que constituerait le fonctionnement de la machine Téléthon.

Tu dis :

« L’argument que nous souhaitons lancer ici, c’est que l’existence et le déploiement du Téléthon repose en effet sur une ambiguïté savamment entretenue entre science et thérapie. »

D’abord il me semble que les deux champs (science et thérapie) sont liés, même si tu aurais raison de dire que l’objet premier de la science c’est la connaissance tandis que la thérapie constitue une instrumentalisation de connaissances scientifiques à des fins de traitement de la souffrance et de guérison de la maladie.

Le Téléthon entretiendrait donc selon toi une ambigüité entre le champ scientifique et le champ thérapeutique.

Une ambigüité de quelle nature ?

Si je suis bien ton discours il s’agit du fait qu’une confusion entre la recherche (la science donc) et la thérapie est entretenue. Aussi, selon toi, croyant financer la thérapie, les personnes qui donnent au Téléthon financent surtout la recherche.

Citant la dernier rapport de l’AFM (“Transformer la recherche en traitement, c’est l’ultime défi que lance l’AFM“) tu affirmes donc que :

« Autrement dit, nous n’en sommes pas encore au stade de la thérapie génique (tout au plus commence-t-on à expérimenter sur l’homme), mais largement occupé à la recherche fondamentale en génétique. Et on doit noter que la réalisation concrète des premiers traitements pour les maladies neuromusculaires n’est à l’heure qu’il est en rien prédictible. Combien de temps faudra-t-il avant d’obtenir cette prometteuse gelule qui illustre la couverture de la brochure ? Dix ans ? Vingt ans ? Si les premiers donateurs français,en 1987, avaient su que, 20 ans plus tard, on en serait encore au stade de la recherche fondamentale, et si éloigné de la fabrication d’un traitement, auraient-ils donné de manière aussi spontannée ? Et qu’en pensent aujourd’hui les patients qui défilaient sur les plateaux de télévision il y a deux décennies ? Et les associations de malades ? »

D’abord il faut savoir que la thérapie génique, si elle constitue un espoir immense pour de nombreux malades, n’est qu’une solution parmi d’autres.

D’autre part, avant d’aller sur la Lune il a bien fallu la cartographier un minimum, la connaître, l’étudier. Avec les gènes c’est la même chose. Il a fallu les cartographier et les étudier avant de commencer à envisager des façons intelligentes et efficaces d’intervenir dessus sans tout casser et provoquer des désastres pires que la maladie elle-même. Autrement dit, la recherche fondamentale est un préalable nécessaire et parfois long aux applications thérapeutiques qui découleront de ses résultats.

Or, il me semble que le discours des intervenants du Téléthon a toujours été clair vis à vis de ce point précis : la recherche avance lentement mais elle avance (notamment grâce aux dons) et il faut la soutenir pour arriver dans un second temps aux premières applications thérapeutiques.

Si les premiers donateurs français avaient su que, vingt ans plus tard, sur le plateau même du Téléthon, ils pourraient voir un ex-bébé bulle délivré de son mal grâce aux applications thérapeutiques de la recherche, peut-être auraient-ils été plus nombreux encore à donner ?

Tu conclues cette partie de ta réflexion en écrivant :

« Ces vingt dernières années, la machine Téléthon a financé la recherche fondamentale en génétique, tandis que la génétique appliquée aux maladies neuromusculaires (l’objet privilégié qui justifie la construction et l’entretien de la machine Téléthon) n’en est encore qu’à ses balbutiements. Autrement dit, l’alliance entre la “générosité publique” (l’ “émotion publique”) et la science réelle, est sous bien des aspects une alliance de dupes (et c’est bien évidemment l’émotion qui est dupée, car les scientifiques savent bien la complexité des processi susceptibles d’aboutir à la fabrication d’un médicament ou d’un traitement). »

Comme je l’ai dit plus haut, il est normal que l’application thérapeutique de la recherche génétique ne soit intervenue que dans un second temps.

Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs, comme le dit le fameux adage.

Si, arrivant de l’extérieur où règne un radieux Soleil, je pénètre dans une pièce mal éclairée, mes yeux vont mettre du temps à s’acclimater à la luminosité ambiante. Si je dois accomplir quelque tâche nécessitant un minimum de précision dans ladite pièce, il est préférable d’attendre que ma vue se soit adaptée avant d’agir. Je bénéficierai ainsi de toute l’information nécessaire à mon action et m’éviterai peut-être bien quelque ratage ou pire.
C’est exactement pareil avec la génétique. Si avec les connaissances d’il y a vingt ans (domaine de la science) les chercheurs avaient entrepris certains traitements (domaine thérapeutique) ils auraient été complètement à côté de la plaque et auraient peut-être même risqué la vie de certains malades.
Le temps de la science n’est malheureusement pas conforme à l’instantanéité du désir. Néanmoins, l’insuffisance des financements n’arrange pas les choses.

Sur le reste de ton article, je suis d’accord avec les points que tu soulèves, à savoir que :

– La machine Téléthon n’est pas parfaite. Elle peut servir à financer l’acquisition de connaissances dont les applications pratiques peuvent dépasser le cadre strictement thérapeutique. Il faut donc demeurer vigilants quant à ces applications.

– Les questions éthiques soulevées par la recherche génétique et ses applications doivent être réintroduites dans le champ politique.

Pour moi, ces points là dépassent de loin la cadre de la machine Téléthon qui malgré ses imperfections et certaines prises de position moralement contestables (mais légales) de la direction de l’AFM, finance une recherche française qui, sans elle, n’existerait peut-être même pas et produit des résultats encourageants, voir très satisfaisants, pour de nombreux malades et leurs familles.

Par ailleurs, je signale un point de détail qui a tout de même son importance dans le débat sur le désengagement de l’Etat : donner de l’argent au Téléthon, c’est contribuer à contraindre indirectement l’Etat à participer aussi puisque 60% de la somme qu’on donne est déductible de l’impôt sur le revenu.
Bien entendu, cette solution n’est tout de même pas satisfaisante puisqu’une bonne partie des gens qui donnent au Téléthon sont eux-même trop pauvres pour être imposables sur le revenu…

Ce qu’il faudrait obtenir à mon avis c’est :

– Un financement suffisant de la recherche médicale par le contribuable français (ce qui ne signifie pas nécessairement plus d’impôts quand on constate les gaspillages d’argent public qui ont lieu dans certains domaines).

– L’instauration d’un débat citoyen et démocratique concernant les applications de la recherche (génétique notamment).

– La transcription en droit français du consensus qui se dégage de ce débat citoyen.

Dans cette optique là, le Téléthon ne serait pas nécessairement voué à disparaître mais plutôt à évoluer dans ses modalités d’organisation et de communication.

Commentaire par Virgo

Cher virgo
merci merci pour ce long texte

en fait j’ai eu plusieurs réponses très intéressantes et malheureusement elles sont disséminées sur plein de blogs et forums et sites divers

Nos avis divergent sur plusieurs points
et convergent vers d’autres points

Le point central sur lequel repose mon exposé vise à montrer qu’il y a discontinuité entre la recherche fondamentale et l’application thérapeutique.
Discontinuité n’est peut-être pas le bon mot.
Je n’ai pas écouté les émissions de télé consacrées au téléthon (et pour cause je n’ai pas la télé)
j’ai par contre lu des dizaines d’articles, d’actes de colloques consacrés à la recherche en génétique, ainsi que la totalité des documents présentés sur le site de l’AFM.
et je me fie pour évaluer la distance qui sépare la recherche fondamentale et les réalisations thérapeutiques à ce que disent les généticiens eux-mêmes.

Comme tu le dis très bien, nous en sommes au stade de la cartographie.
Or, nous ne savons pas très bien encore ce que les territoires recèlent. Ils recèlent en fait dans un premier temps ce qu’on pourrait bien y chercher (ou bien ils ne le recèlent pas). le problème justement, c’est qu’on ne fait pas qu’y rechercher des « causes » de pathologies héréditaires. La génétique voit bien plus loin que ça. Quand l’AFM finance la recherche sur la cartographie du génome humain, elle finance aussi dans une certaine mesure la recherche pour des tas d’autres applications dont on n’a même pas encore idée (quoique, les idées viennent assez vite dans ce domaine). L’AFM joue ici un rôle d’orientateur fort afin de garantir que ces recherches soient soucieuses des myopathies.

Je reprends un message que j’ai posté de manière provoc sur un autre forum (et revois ce que j’ai écris sur marie curie et la bombe atomique et la radiothérapie)

« Pour préciser encore un peu ma pensée, de manière un peu provocante je dirais :
Le film Bienvenue à Gattaca n’est pas de la science fiction : c’est de l’anticipation. Il est probable que la génétique découvre le moyen de sélectionner a priori les individus bien avant d’être à même de proposer des thérapies géniques pour les maladies rares. Les compagnies d’assurance américaine le savent bien.

Ce n’est pas la faute de l’AFM évidemment (qui joue précisément un rôle d’orientation de la recherche assez inédit. Mais quand on finance la cartographie du génome humain, il est bien évident qu’on ne finance pas seulement une hyptothétique thérapie génique pour les myopathies n’est-ce pas ? »

bref tu vois un peu où je veux en venir ?

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sinon il y a cette critique qu’on entend sur le téléthon comme quoi ça devrait être à l’état de financer la recherche.. bon.. je vois mal pourquoi..
Je me dis pourquoi pas le don publique après tout.

ça me parait plus intéressant de voir quels sont les projets que l’AFM finance
là encore je cite un autre post que j’ai publié ailleurs :

« Vous insistez sur les rôles respectifs du Conseil scientifique et du CA de l’AFM. Je crois que vous avez raison de demander comment se partagent les tâches dans cette institution. Qui lance les appels d’offre ? Il faut être à tout le moins généticien pour être capable d’évaluer la pertinence de telle ou telle recherche. Quel rôle assure alors le CA (composé de personnes qui ne sont pas des généticiens.) Permettre à l’association de garder le cap ? C’est un peu ce qui se dessine à travers le rapport 2005.

Si on examine le rapport financier 2005, il y a un tableau très intéressant qui permet de voir qu’en tous cas la recherche se fait de manière internationale, au niveau aussi bien public que privée :

Les missions sociales de l’AFM (hors frais de gestion et frais de collecte, représentent 87,5M d’euros (plus de 80% du budget dépenses annuel). Dans ce cadre la partie de la mission sociale POMPEUSEMENT appelée « guérir », représente 63,5 % de ces 87,5 m d’euros. Le reste est consacré à la partie de la mission sociale appelée « aider » et l’autre appelée « communiquer ».

63,5 %
pour la mission « Guérir »
Principales actions :
• Généthon
• Institut de Myologie
• Appels d’offres
• Programmes internationaux
(Harvard Medical School,
Université de Pennsylvanie,
Université de Laval)
• Programmes industriels
(Trophos, Transgène,
Prosensa, Genosafe)
• Essais thérapeutiques

Dnc l’argent finance des programes très généraux comme le Généthon, et des choses plus pointues, et aussi bien des universités que des programmes industriels (??)

Il y a aussi un colloque organisé par l’AFM dont le résumé des Actes apportent déjà quelques réponses.
http://www.afm-france.org/ewb_pages/c/colloque_lgmd.php
la quatrième partie est consacrée aux « stratégies thérapeuthiques » (sic) : on en est vraiment au stade du tatonnement. la seconde partie sur les modèles animaux est évidemment plus développée, mais la partie qui contient le plus d’articles est la partie consacrée aux diagnostics. (la troisième).

Enfin on trouve dans le rapport détaillé d’activité de 2005 la liste des chercheurs du comité scientifique.
Tout est sur cette page :
http://www.afm-france.org/ewb_pages/d/decouvrirafm_missions_strategie_rapportannuel.php

On voit bien que l’AFM joue en quelque sorte un rôle de relais et/ou d’incitateur de recherche, voire de d’orientateur (à travers ses appels d’offre).

Tout cela est fort complexe voire nébuleux (à l’image de la génétique actuelle). »

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Dans la recherche, les partages entre le privé et le public ne sont pas si simples.. surtout quand la dite recherchée en est encore à un stade si.. nébuleux..

Je maintiens mon idée d’une alliance de dupes
Je crois que l’AFM communique gloablement d’une manière désastreuse en prenant les gens pour des imbéciles
ET je crois que les questions éthiques n’ont pas été résolues pour la fin des temps avec la loi bioéthique de 1994
Je ne sais pas si il faut la modifier
mais au moins la repenser
la redébattre

là on est d’accord je crois

Commentaire par danahilliot




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